La perte de la notion de nature après saint Thomas d’Aquin : des nominalistes parisiens à l'émergence de la physique mathématique

Guilhem Golfin
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2022 - Tome CXXII 2022 - Fascicule n°1
122
CXXII
1
2022
29 - 52
Article

Résumé

Continue de prévaloir au sujet de la nature la thèse historiographique qui affirme que sa connaissance scientifique commence vraiment, après les prolégomènes grecs, avec la révolution scientifique initiée au XVIIe siècle et le rejet de la physique aristotélicienne auquel cette science nouvelle a conduit. Une étude précise du discours scientifique moderne montre toutefois que les choses sont plus complexes, et qu’il est au moins douteux que la science moderne ait à proprement parler la nature pour objet. L’auteur s’efforce dans cet article de faire voir que la logicisation de la philosophie opérée par les nominalistes au XIVe siècle a formé le climat intellectuel qui a permis l’idéalisme de la physique mathématique. Celui-ci transpose la notion de nature sur le plan de l’idée, lui faisant perdre par-là même et la dimension de dynamisme intrinsèque et celle d’ordre que lui conféraient Aristote et saint Thomas à sa suite. 

Extrait

Parler de perte de la notion de nature après saint Thomas peut au premier abord sembler inutilement provocant. Du point de vue scientifique, l’invention des sciences de la nature à partir des travaux de Galilée et Descartes et de « la naissance du mécanisme » n’invalide-t-il pas in nuce toute prétention sinon peut-être à une connaissance, du moins à une meilleure connaissance de la nature antérieurement à cette « révolution » ? Comment supposer que l’on ignorerait depuis lors la nature ? S’il y a un domaine dans lequel l’aristotélisme a été, de l’aveu de tous, réfuté, c’est bien dans sa conception du cosmos et de la dynamique des corps. Il y a là plus que de la doxa. Bien loin par conséquent de parler de perte de la notion de nature, ne faudrait-il pas à l’inverse parler d’une découverte de la nature après saint Thomas ? — quelque temps après, à vrai dire, dans ce cas.
Que dire, au-delà, de la permanence du thème de la nature à travers les siècles ? De son omniprésence au XVIIIe siècle ? De son importance
incontournable dans le romantisme, dans les théories naturalistes du XIXe siècle, comme la théorie de l’évolution, et jusqu’à la problématique
écologique, déjà ancienne en fait mais plus que jamais d’actualité ?