Recensions de :
Académie catholique de France, Philosophie et inspiration chrétienne (A. Odendall).
‘Ammār al-Basrī, Das Buch des Beweises (X. Batllo)
Bastit (M.), Le Principe du monde (G.-M. Grange)
Bénéton (Ph.), Le Dérèglement moral de l’Occident (J.-Ch. Margelidon)
Blignières (L.-M.), Le Saint-Esprit dans ma vie (Ph.-M. Margelidon)
Delsol (Ch.), La Haine du monde (J.-Ch. Margelidon)
Emery (G.), Présence de Dieu et union à Dieu (Ph.-M. Margelidon)
Golubiewski (M.), « Ravive en toi le don » (cf. 2 Tm 1, 6) (M. Leclère)
Jaworski (W.), Structure and the Metaphysics of Mind (M. Bastit)
Margelidon (Ph.-M.), Les Fins dernières (E. Cazanave)
Minvielle (B.), Qui est mystique ? (Ph.-M. Margelidon)..
Morales (X.), Dieu en personnes (D. Le Pivain)
Rassam (J.), Le Silence comme introduction à la métaphysique (Ph.-M. Margelidon)
Rethinking the Medieval Legacy for Contemporary Theology (J. Cachia)
Schmitt (Y.), L’Être de Dieu (F. Resch)
Sendrez (D.), Le Péché originel (Ph.-M. Margelidon)
Torrell (J.-P.), Saint Thomas d’Aquin, Maître spirituel (Ph.-M. Margelidon)
Wisdom and Holiness, Science and Scholarship (G.-M. Grange)
Ce bulletin de christologie revient sur diverses publications à propos de la question débattue de l’histoire de Jésus et du Jésus historique. Le rythme des publications savantes suit un cours saccadé, alternant entre la profusion et le rare. Quelques ouvrages d’histoire des doctrines, plutôt thématiques, plus rarement monographiques, et des essais anciens, nouvellement traduits, ou d’autres récents, concluent ce tour d’horizon.
Les deux questions connexes du Jésus de l’histoire — depuis Bultmann on parle du Jésus de l’histoire — et de l’historicité des évangiles réapparaissent très régulièrement dans les publications savantes et grand public. À cause des dénégations médiatisées de Michel Onfray concernant l’existence historique de Jésus, les interventions des spécialistes et de journalistes n’ont jamais été aussi nombreuses. Ce débat n’est pas que français, il est très présent aux USA. Nous y ferons
largement allusion dans quelques notes. C’est en effet une question en amont de la christologie dogmatique, qui relève de ce que l’on appelle depuis plus de trente ans la christologie fondamentale. Il reste qu’elle conditionne la constitution d’une christologie dogmatique et ecclésiale, laquelle peut prendre des formes diverses, en espérant qu’elle évite le disparate, le contextuel — christologie culturelle dite de style — et le sectoriel où on ne propose que des éléments ; bref une christologie ou ni l’universel ni la synthèse ne peuvent l’emporter.
Ce bulletin de théologie patristique étudie dans une première partie les principes méthodologiques employés par les Pères dans leurs traités théologiques ; une deuxième partie est consacrée à la notion de foi durant la période postapostolique ; le IIIe siècle en général, et plus spécialement l’exégèse de Clément d’Alexandrie, font l’objet de la troisième partie, tandis que la quatrième traite des controverses trinitaires du IVe siècle à travers Grégoire de Nysse et Ambroise de Milan. L’ensemble se termine avec Isaac de Ninive et le caractère eschatologique de son ascétisme.
Il est actuellement d’usage, voire de rigueur, de souligner les incertitudes, sinon la crise, de la pensée actuelle, que ce soit dans le domaine philosophique ou théologique. Sous certains aspects, il semble loin le temps pourtant encore relativement proche où la mise en application de principes considérés comme fiables et bien établis était censée assurer la valeur de la réflexion, sans donner prise systématiquement au doute ou à la réception sceptique. Faut-il voir dans certaines orientations des études patristiques actuelles un écho de cet état de fait ? Car le spectateur de l’univers des publications ne peut manquer de constater la reprise plutôt fréquente de thèmes tels que la foi, les principes théologiques ou simplement les formulations de foi durant l’Antiquité chrétienne. Assurément, ce regard vers les sources — et non simplement un passé révolu — demeure le garant d’un authentique renouveau, et sans tomber dans une célébration romantique des premiers siècles chrétiens, ce n’est qu’établi sur l’héritage des Pères que l’on peut se tourner résolument vers l’avenir. Quoi qu’il en soit, c’est dans cette ligne que tient à se placer ce bulletin de théologie patristique qui, comme son titre l’indique déjà, examine quelques-unes des dernières parutions sur les Pères de l’Église principalement sous l’angle théologique et doctrinal, pour laisser les critiques plus littéraires à d’autres recenseurs davantage portés à l’art de la composition ou aux questions manuscrites. Ce faisant, ce bulletin espère au moins être fidèle à ces pionniers de la pensée chrétienne que furent les Pères, vrais théologiens dans la composition inlassable de leurs discours sur Dieu.
À la suite d’un premier travail au cours duquel la priorité ontologique de la forme m’a conduit à amoindrir la causalité matérielle dans la constitution de l’individu, et stimulé par les critiques que ce texte a suscitées, il m’est apparu nécessaire de reprendre la question à partir d’une lecture attentive d’Aristote et de ses interprètes contemporains. La lecture du Philosophe permet de relever une triple affirmation : multiplication des individus à cause d’une matière autre, à savoir signata ; fécondité multiplicatrice potentiellement illimitée de la forme ; distinction numérique des formes actuelles ; priorité ontologique de la forme dans l’individu constitué. Aristote présente ainsi une doctrine de l’individu consistante qui est manifestement la source directe de celle de saint Thomas.
Lorsque l’on travaille en essayant de réfléchir par soi-même, il arrive que l’on se fourvoie et c’est le cas en ce qui concerne le court article précédent, où j’ai cherché à faire de la forme le principe de l’individualité. De ce point de vue, j’accueille volontiers le correctorium de Bénédicte Mathonat, et les remarques de Philippe-Marie Margelidon. Comme B. Mathonat le souligne en effet il est impossible de faire de la forme la cause de l’individuation sans qu’il en découle des conséquences assez graves, qui sont autant d’impasses dans lesquelles je n’entends pas verser : scotisme, nominalisme, idéalisme, etc. Mais surtout, emporté par la priorité ontologique de la forme, sur laquelle je reviendrai, j’ai fini par négliger la causalité propre de la matière dans la constitution de l’individu et par ne plus distinguer les deux dimensions de l’individu : la multiplication numérique d’une part, l’unité numérique et la séparation d’autre part.
La réflexion sur l’individu est au coeur de nombreuses problématiques. Elle concerne aussi bien la connaissance de l’individu, connaissance intellectuelle ou sensible, que la philosophie pratique. La philosophie de la nature est aussi concernée par la question de la réalité et de la stabilité de l’individu, alors que les sciences mettent en avant des flux de particules ou de cellules qui se renouvellent selon une structure identique, mais dont les constituants sont fluctuants. Schrödinger a très tôt lancé ce défi à l’aristotélisme traditionnel. En réalité, il remonte plus loin dans l’histoire de la pensée, sans doute déjà à la philosophie de
l’organisme de Locke, ou même à celle d’Origène. De même, dans la philosophie contemporaine, la question de la ré-identification des réalités fluctuantes, par exemple avec le problème du navire de Thésée, ne peut se résoudre sans le recours à l’indispensable forme substantielle, sans y sacrifier la matière.
La grâce surnaturelle est nécessaire au salut, et à tout bien dans cet ordre, où elle a la toute première initiative. Elle est généralement nécessaire pour éviter le péché mortel, surtout longtemps. Le Christ l’a méritée comme suffisante pour le salut de tous. La grâce-motion agit soit comme provoquant immédiatement un acte indélibéré, et est alors dite opérante, soit comme accompagnant
la volonté déjà agissante, et est alors dite coopérante. Elle coopère notamment à l’acceptation par notre libre arbitre de l’infusion de la grâce habituelle. Elle est nécessaire pour la persévérance dans cet état. Si l’homme n’y persévère pas, ce n’est pas parce que Dieu aurait eu l’initiative de la lui retirer, mais parce que par sa faute il est tombé dans le péché mortel ; ce n’est qu’alors que Dieu a éventuellement décidé de ne pas lui reproposer sa grâce.
B. — La grâce et le libre arbitre en particulier
Dans la présente section, on récolte les enseignements de Thomas sur la grâce au sens strict, c’est-à-dire surnaturelle. On l’examine en général (1), puis on suit surtout la grâce actuelle, et dans l’histoire de l’homme depuis la vocation jusqu’à la persévérance finale (2).
1. La grâce en général
Et d’abord, dans quelle mesure l’Aquinate a-t-il professé la nécessité de la grâce en général (a) ? Et la suffisance de la grâce de la Rédemption en acte premier (b) ? Enfin, quel sens a pour lui la distinction entre grâce opérante et grâce coopérante (c) ?
a) La nécessité de la grâce en général
Le résumé du Compendium theologiae sur l’existence de la grâce va nous servir d’introduction : « Dieu exerce spécialement sa providence envers l’homme par sa grâce », car « la créature rationnelle est maîtresse de ses actes par le libre arbitre ». Il le fait 1° en aidant à faire le bien par « des enseignements et des préceptes de vie » ; 2° en rétribuant les actions. La fin de l’homme étant surnaturelle, s’y ajoute une aide surnaturelle intérieure, gratuite en sa source, et qui rend persona grata celui qui la reçoit, d’où son nom de « grâce ». Ce type de don remet les péchés. En effet, « les péchés sont rémissibles ». Et ce, jusqu’à la mort.
La nécessité de la grâce peut donc être envisagée par rapport à deux finalités : pour faire le bien, et pour éviter le péché actuel. Commençons alors par le cas du bien à faire.
Le débat sur la « nouvelle théologie » créé par l’ouvrage Surnaturel du P. de Lubac a suscité de nombreuses réflexions sur la grâce divine, en particulier chez Karl Rahner. Celui-ci les a liées à sa conception de la philosophie de la connaissance, telle qu’elle s’exprime dans son ouvrage L’Esprit dans le monde. Mais sa conception semble être aussi unie à un autre champ important de recherche pour lui : les rapports entre l’Église et les religions non chrétiennes, avec sa célèbre thèse des « chrétiens anonymes ». Cet article vise à voir quels liens existent entre ces différents éléments de la pensée du jésuite allemand, et à comparer cette conception à celle de son prédécesseur, le P. Henri de Lubac.
Le but de cet article est de tenter de comprendre la conception qu’avait le P. Karl Rahner (1904-1984), un des théologiens les plus célèbres du XXe siècle, du rapport entre l’homme et la grâce — thème fondamental en théologie. Rahner l’a envisagé d’une manière très originale, à travers un concept qu’il a inventé : celui d’« existential surnaturel ». Nous voudrions donc nous arrêter sur cette notion, et la comparer à une autre, également restée fameuse dans l’histoire de la théologie : le « désir naturel de voir Dieu », à laquelle un autre jésuite du XXe siècle, le P. Henri de Lubac (1896-1991), s’est intéressé, et qui donna lieu à une violente polémique dans les années cinquante du siècle passé.
Cette notion de l’« existential surnaturel » est souvent étudiée pour elle-même, dans le cadre de l’anthropologie chrétienne. Nous nous proposons de compléter cette étude en nous arrêtant sur un autre thème, également cher à Karl Rahner : celui des « chrétiens anonymes », qui est, la plupart du temps, présenté dans le cadre de l’ecclésiologie et du dialogue interreligieux. Or, il semble qu’il y ait d’étroites relations entre ces deux thèses et, plus généralement, la pensée théologique de Rahner : tel est l’objectif que nous nous sommes fixé dans cette contribution.
Recensions des ouvrages suivants :
Autonomie und Menschenwürde (X. Batllo)
Blaj (D.), Yves Congar, pionnier de l’oecuménisme (É. Divry)
Burnet (R.), Les Douze apôtres (X. Batllo)
François, Lettre encyclique Laudato si’, Sur la sauvegarde de la maison commune (G. Gavignaud-Fontaine)
Judaïsme et christianisme chez les Pères (G. Remy)
Lesoing (B.), Vers la plénitude du Christ (É. Divry)
Sandel (M. J.), Justice (G. Gavignaud-Fontaine
Simon (Y.), Philosophie du gouvernement démocratique (H. Borde)
Tillich (P.), Christianisme et judaïsme (É. Divry)
Recensions des ouvrages suivants :
Chiron (Y.), L’Église dans la tourmente de 1968 (Ph.-M. Margelidon)
Commentaire des Psaumes attribué à saint Bruno (P.-M. Guillaume)
Cuchet (G.), Comment notre monde a cessé d’être chrétien (Ph.-M. Margelidon)
De Bruyne (D.), Prefaces to the Latin Bible (B. Gain)
De Bruyne (D.), Summaries, Divisions and Rubrics of the Latin Bible (B. Gain)
Degroote (N.), L’Ordre de l’esprit (É. Pohlé)
Gautier (B.), Balthasar en dialogue avec Barth (M. Lochbrunner)
Giraudo (C.), In unum Corpus (M. Gauthier)
Guillou (O.), Les Chemins de l’amitié (V. Siret)
Jean de Jésus-Marie, Le Paradis de l’Oraison, contemplation et mortification (É. Pohlé)
Leclerc (G.), Sous les pavés, L’Esprit (Ph.-M. Margelidon)
Lecuit (J.-B.), Le Désir de Dieu pour l’homme (Ph.-M. Margelidon)
Marquet (J.-F.), Chapitres (R. Debluë)
Morlet (S.), Les Chrétiens et la culture (D. Perrin)
Nadeau-Lacour (Th.), Marie Guyart de l’Incarnation (V. Siret)
Newman (J. H.), Le Chrétien et le monde (M. Mahé)
Six (J.-F.), Charles le libéré, Foucauld rendu à lui-même (R. Morin)
Steinmetz (M.), La Musique : un sacrement ? (A. Odendall)
Il n’est pas fréquent de lire dans la préface d’un livre : « Ce livre génial sera parmi la poignée d’ouvrages qui a marqué l’histoire médiévale et l’histoire des mentalités en général depuis un siècle. » Cela invite certainement à la lecture.
Le propos de cette étude est de montrer comment est né le modèle d’équilibre à partir de la deuxième moitié du XIIIe siècle. Lorsqu’on sait à quel point le mot est d’usage quasi général de nos jours, qu’il désigne seulement une simple métaphore ou qu’il entend exprimer un authentique concept, il est en effet d’une particulière importance d’en cerner les contours.
De fait, on constate aisément que de nos jours l’usage du vocabulaire de l’équilibre constitue une des principales ressources pour dire l’unité d’un être complexe à partir des relations de ses éléments constitutifs (équilibre corps-esprit), ou pour exprimer les relations entre diverses réalités (équilibre des pouvoirs dans l’État). Or cette notion n’est pas toujours utilisée avec rigueur, et même avec précision. C’est souvent le sens métaphorique qui est suggéré à partir de l’image bien connue de la balance (équilibre se dit balance en anglais). Elle dit le résultat du jeu de deux forces opposées qui s’égalisent. Il y a de nos jours à ce sujet, dans la plupart des domaines du savoir, une insuffisance conceptuelle manifeste. C’est le principal mérite de cette très savante étude de contribuer àlever le flou notionnel en montrant ce qui peut être — très implicitement — derrière cette façon de s’exprimer.
Le commentaire du Livre Z de la Métaphysique par Thomas d’Aquin sert de fil conducteur à une reconsidération de son rôle dans la substance sensible. Le rapport matière/forme permet de conjuguer identité spécifique et multiplicité individuelle dans les substances sensibles. Composant avec la forme substantielle l’essence des substances sensibles, la matière peut être dite par cette relation. La quantité dimensive et la divisibilité qu’elle permet peuvent ainsi la qualifier comme sujet premier de la forme des substances corporelles sans rendre impossible le devenir absolu.
b) Espèce : forme et matière
Mais dire que l’essence des réalités sensibles inclut dans sa compréhension l’ordre matériel principe des accidents sensibles spécifiques change-t-il vraiment la perspective ? Ce déplacement apparemment minime entre la species « homme » et la forma partis « humanité » permet-il de rendre compte différemment du rapport entre l’espèce et les individus ?
Le singulier étant autre chose et différent de l’espèce elle-même, il y a un ajout dont il faut rendre compte. La difficulté étant de justifier la « venue à l’être » de cette différence sans rompre l’unité d’une communauté de nature. Une autre interprétation proche de la précédente a aussi été donnée : la composition de l’espèce avec la materia signata identifiée aux accidents individuels. L’ambiguïté a pu être entretenue par nombre d’expressions. Mais on ne comprend toujours pas comment une telle composition pourrait justifier d’une distinction substantielle entre les individus. L’unité intelligible de l’espèce est maintenue, mais la réalité propre de l’individu continue d’être inexistante : la singularité n’est pas celle de la substance, mais d’un ensemble d’accidents ajouté à l’espèce. Il n’y a pas, de fait, de principe de l’individualité de la substance. La matière n’est ici encore qu’une condition d’existence singulière. Critiquer une telle conception et en appeler à la forme/acte pour justifier de la singularité de la substance est alors compréhensible.
Dieu est cause première de tout effet d’une cause créée, par la médiation de celle-ci. Celle-ci agit en subordination avec la causalité divine, non seulement parce que Dieu lui donne l’être, la conserve, et qu’elle agit en vertu de lui, mais aussi parce qu’il la fait passer à l’acte. Elle communique l’esse à son effet comme instrument de l’agir divin, mais elle contracte cet esse à une spécification particulière. Dieu cause de manière nécessaire le vouloir de la créature libre quant à son objet propre, le bien en soi, et quant à sa finalité ultime, le bonheur parfait. Sous la motion de cet acte de vouloir primordial de la fin, la liberté créée se fait passer à l’acte du choix d’un moyen, bien réel ou apparent. Dieu précise seulement parfois un objet déterminé à choisir par la volonté. Cette attirance par mode d’objet laisse la délibération humaine libre de nécessité quant à sa spécification. Dieu agit aussi par mode efficient sur la volonté créée, et il est seul à le pouvoir. Cela consiste à faire passer la volonté créée à l’exercice d’un acte, soit immédiatement à l’exercice d’un acte volontaire indélibéré, nécessaire, soit, de façon médiate, à l’exercice de l’acte de délibérer et d’élire, sans que la prémotion efficiente détermine la spécification de cette élection. Si c’est tel acte que pose la liberté, alors c’est tel acte que Dieu cause comme acte : les actes délibérés jouissent donc d’une nécessité de conséquence. Dans le péché, Dieu cause le passage à l’acte de choisir, et tout ce qu’il y a d’être et de bonté métaphysique dans l’acte, mais non sa privation de rectitude, qui est du non-être dû uniquement au défaut librement assumé par la volonté créée dans son agir.
Une fois prise une vue d’ensemble du plan divin considéré en Dieu, il importe d’analyser l’exécution de celui-ci dans la créature. Pour cela, il faut se faire une idée des rapports entre action divine et action créée, d’abord en général, ensuite dans le domaine de la grâce.
A. — Action divine et action créée en général
On peut récapituler la doctrine du Docteur angélique sur les rapports généraux entre action divine et action créée dans un premier temps par rapport à toute créature (1), et dans un deuxième temps dans le cas spécial du libre arbitre créé, en étudiant la causalité finale (2), puis la causalité efficiente des actes bons (3), puis la cause des péchés (4).
1. La subordination des causes dans le gouvernement divin en général
Saint Thomas compare à une subordination de causes la coopération de la causalité divine à la causalité créée : d’abord, a) il l’énonce en général, notamment sous l’angle des trois principales lignes causales ; puis, b) il précise que Dieu rejoint l’effet des causes secondes par l’intermédiaire de celles-ci, dont il cause la causalité : c’est la question de l’immédiation de vertu et de la médiation de suppôt ; ensuite, c) selon lui, la cause première use de la cause seconde comme d’un instrument pour communiquer l’esse à l’effet de la cause seconde ; toutefois, d) la cause seconde détermine et particularise cet esse.
En 1965, J. T. Noonan, au terme de son étude historique de l’enseignement de l’Église sur la contraception, suggérait que l’Église pouvait réviser sa doctrine. En effet, à travers la condamnation constante de la contraception, elle avait plutôt cherché selon lui à promouvoir les valeurs de la procréation, de l’éducation, de la vie, de l’amour et de la personne. Cette condamnation s’expliquait par une succession de circonstances historiques, par des connaissances biologiques erronées, et parce que la doctrine avait été définie par des hommes non mariés. L’auteur de l’article prétend que Noonan, n’étant pas théologien, n’a pas saisi le lien entre les différentes condamnations, et se propose de faire une analyse proprement théologique de la somme impressionnante de données historiques fournie par son livre.
En 1965, John T. Noonan, au terme de son histoire de la contraception, concluait que l’Église, à travers la défense de la valeur « absolue, sacrée » du rapport sexuel, avait plutôt cherché à affirmer les cinq valeurs de la procréation, de l’éducation, de la vie, de la personne et de l’amour. « Autour de ces valeurs un mur avait été construit ; le mur pouvait être démoli quand il devint une prison plutôt qu’un rempart. » Cette conclusion, relue cinquante ans après dans nos sociétés contraceptives, semble infirmée par les faits : les valeurs citées, à part l’éducation, ont été mises à mal. Il suffit de penser à la banalisation de l’avortement, à la dénatalité, à l’utilisation des embryons humains pour la recherche, à la fabrication d’êtres humains in vitro, au libertinage sexuel, à la perte
même du sens de l’engagement matrimonial et de la fidélité, au divorce, à la marchandisation du corps de la femme qu’est la GPA, pour se demander raisonnablement si ce mur, loin d’être celui d’une prison, n’était pas vraiment, en fin de compte, un rempart. Si la masse impressionnante des données historiques du livre, la rigueur et l’honnêteté de l’analyse sont tout à l’honneur de son auteur, force est cependant de constater que ce dernier n’est pas un théologien, ce qui explique un certain nombre de déficiences dans son analyse. Par cet article nous n’entendons pas faire une recension de son livre (qui serait un peu tardive !), mais plutôt une relecture des données historiques précieuses qu’il fournit et en proposer une analyse proprement théologique.